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texte : Gophrette Power - photo : Chiara Redaschi

 

J'ai passé tout l'hiver à apprendre à courir... Enfin, "apprendre" est un bien grand mot alors je préfère écrire "corriger mes mauvaises habitudes". Trouver la technique idéale est un très long parcours et il n'en existe pas qu'un seul mais plusieurs. En gros, c'est un par coureur. Ça en fait un sacré paquet vous allez me dire, mais après beaucoup de conversations et d'observations, c'est ce que j'ai compris. Alors je suis allé me faire crier dessus par Jérome Favérial à la Run Squad pour tenter de découvrir la mienne. Les premières séances n'ont pas été faciles et ça ne l'est toujours pas, car je n'aime pas courir. Ça fait mal à mon petit corps. Mais au bout d'un moment, séance après séance, il me semble que j'ai commencé à trouver plusieurs choses qui m'aident à supporter ce châtiment.

En écoutant les conseils du coach, j'ai commencé à corriger la position de mon corps. À travailler sur le balancement de mes bras, mes impacts au sol, mes rebonds, ma respiration, lever mes putains de genoux... C'est juste "du gros bon sens". car après plusieurs séances je me suis mis à aller nettement plus vite. Mais là où je vois vraiment une amélioration c'est que je me blesse beaucoup moins. Mais es-ce que ça fonctionne vraiment... Suis-je capable de faire une course et la finir dans un temps raisonnable ?

C'est au Red Hook Crit de Brooklyn que j'ai décidé de tester la chose. Oui c'est une course de vélo, mais il y a un cinq kilomètres de course à pied organisé entres les qualifications et les finales. Juste au moment où le soleil commence à passer derrière les gratte-ciels de Manhattan. Ce que l'on appel le "golden hour". Je me retrouve donc sur la track, là où mes amis cyclistes évoluent en général et que moi je suis sur les cotés pour les photographier. Mais cette fois-ci, à mon tour de suer d'avoir mal à ma vie. C'est la première fois que je cours un cinq kilomètre et dès le départ ça va très vite. Je me retrouve emporté par le pack à une allure, qui pour moi est totalement sur-humaine de 3:40min/km. Mais ça je ne l'ai su qu'après en analysant mon Strava. Je cours sans montre donc je ne connais pas ma vitesse, je sens juste que le rythme n'est absolument pas normal et que mes jambes sont en feu. Je m'imagine en voleur de dépanneur et plus j'irais vite, plus je distancerai la police. Les deux premiers tours ressemblent tout bonnement à une meute de malades males alpha gavés à la testostérone. Ça joue des coudes dans les virages. Ça poke sur les épaules et dans le dos. Certains prennent ça vraiment au sérieux et vous le font clairement comprendre. "Calmes-toi coco, regarde le paysage comment il est malade. Moi je sors de six mois d'hiver là et je savoure grave juste le fait d'être en short". Le troisième tour... c'est juste l'horreur. J'ai chaud, j'ai plus de jus, ça fait mal, je suis parti bien trop vite. Je suis sur un rythme qui tourne autour de 4:00min/km et mes jambes tournent maintenant toutes seules. J'ai l'impression de descendre une montagne alors je m'applique à contrôler mes impacts au sol pour pas ralentir et prendre avantage de cette sensation. Là, je vois David Trimble, le directeur de course sur son vélo qui me dépasse. Il se retourne et me regarde. Il me fait un petit signe de la tête mais le temps que je lui retourne son salut, sur ma droite je sens un courant d'air. Je viens de me faire "laper". Shit, j'ai tout d'un coup l'impression de faire du sur place alors qu'il y a deux secondes c'était l'inverse. Là, devant moi, ce type fini sa course alors qu'il me reste encore un tour à faire. Il s'agit de Fikadu Girma Teferi et le chronomètre indique 14:36. Ça m'a coupé les jambes direct. Le reste est assez flou. J'ai l'impression que mes clignements de paupières durent plusieurs secondes. La seule nuance de couleur que j'arrive à analyser c'est le orange des barrières qui dessine le parcours et le jaune des panneaux Rock Star qui y sont accrochés. C'est à la fin de mon quatrième tour que j'entends pour la première fois les encouragements de la gang de Montréal. Je me redresse, je fais le beau et reprends mes esprits et tente de gratter quelques secondes sur les quelques mètres qui me reste... Je suis 174ème sur 316 participants en 20:06. Putain... Il y a six secondes de trop par rapport à ce que je visais mais je n'ai pas de blessures... Juste de grosses courbatures.

Hey, Chiara Redaschi grazie per le belle immagini. La prossima volta voi sarà anche in corsa ;-P

 

Full photo report by Chiara Redaschi : Red Hook Criterium | Brooklyn n°10